Travail sur les archétypes Avaloniens, 1ère Partie, Mordred

Publié le par Lyra Ulchabhán



*Pffff, ça y est, elle recommence avec Avalon ...*

Je vais finir par vous lasser à force, non ?

Quoi qu'il en soit, en cette période de rentrée qui s'annonce (je reprends les cours lundi, ça va me faire drôle après 5 années de fac plutôt cool au niveau des horaires), je fourmille d'idées, d'aspirations, d'inspirations en tout genre, et, en parallèle d'un travail de création assez important que j'ai entamé (mes Soeurs de Sèves comprendront de quoi je parle), je suis plus que jamais retombée dans mon tout premier chaudron, Avalon (sans blague ?). J'ai donc décidé d'entammer un cycle, non pas de dévotion à proprement parler (il viendra sans doute ensuite mais ce n'est pas encore le moment), mais de réflexion et d'introspection. J'ai donc naturellement décidé de réfléchir sur plusieurs aspects de la Vie, sous la forme d'archétypes Avaloniens et Arthuriens (puisque chez moi les deux sont liés, ainsi que je l'ai dit par ici). Tout naturellement, je commence ce travail de réflexion avec Mordred.

Pourquoi Mordred, au fait ? Bonne question. Je ne sais pas trop pourquoi, mais à l'instant même où j'ai pris la décision d'accomplir ce travail de réflexion, il s'est imposé à moi, fermement, presque violemment. J'ai toujours aimé Mordred, certes, mais de là à partir de lui pour une réflexion ... Enfin, il l'a voulu, je crois. Et j'ai arrêté depuis longtemps de lutter contre les caprices de mes intuitions, puisqu'au bout du compte elles se révèlent toujours payantes.

Mordred, donc. Fils illégitime de Morgane et de son demi-frère Arthur, élevé par Morgause, femme de Loth, souveraine assoiffée de pouvoir et de désir de vengeance qui souhaite plus que tout mettre l'un de ses enfants sur le trône à sa place. Seulement voilà, ses enfants sont loyaux envers leur suzerain. Gauvain, l'aîné, est même la courtoisie incarnée, paradoxe étonnant lorsqu'on connait le tempéremment de ses géniteurs ! Alors forcément, quand sa soeur (certaines légendes disent sa nièce) Morgane lui confie l'enfant qu'elle ne peut se résoufre à élever, descendant de sang du souverain détesté, Morgause s'empresse de sauter sur l'occasion et de tenter de façonner l'enfant à ses moindres désirs. Il n'est guère étonnant de le retrouver totalement névrosé, vingt ans plus tard !

Mordred a toujours été désigné, avec mépris et parfois haine, comme le destructeur des Temps Chevaleresques. Tout en lui est caractérisé de repoussant, même ses qualités, obscurcies par ses nombreux défauts. Ainsi, il est le plus beau des chevaliers de la cour, mais utilise son pouvoir de séduction pour corrompre et blesser, pour se rapprocher du pouvoir convoité.

Mais convoité par qui, au juste ? Par lui ? Je ne crois pas. Par Morgause ? Plutôt, oui. Mettez-vous un instant à la place de Mordred. Que feriez-vous si toute votre vie vous aviez entendu de la bouche de la seule personne proche de vous que votre père était un traitre ignoble qu'il vous fallait vaincre ? Que le trône vous revenait de droit, et que le reconquérir était la seule et unique manière pour vous de trouver le bonheur ? Que personne ne vous avait jamais aimé à part votre mère adoptive qui façonne votre haine ? Que vous étiez né de l'union incestueuse d'un homme et de sa demi-soeur ? Pauvre Mordred.

J'ai toujours vu Mordred non pas comme un homme, mais comme un objet. Un couteau, par exemple. Mettez un couteau dans les mains d'un cuisinier. Avec lui, il découpera des mets, préparera un repas, sculptera les aliments pour leur donner belle apparence, exprimera leur saveur et leur fragrance. Entre les mains d'un cuisinier, un couteau est un instrument de création. Mais si vous mettez un couteau dans les mains d'un assassin, il s'en servira pour blesser et pour tuer, le transformant en instrument de destruction. Qui doit-on blâmer ? Est-ce la faute du couteau ? Ou plutôt de la main qui le tient ? A-t-on jamais loué les mérites d'un pinceau en voyant la beauté d'un tableau ? Peut-on décemment accuser un couteau d'un meutre ? Bien sûr que non. Le coupable est l'assassin, le couteau n'est qu'une arme, un instrument d'une neutralité innocente dont on exploite les capacités physiques selon des desseins différents.

Je crois qu'il en est ainsi de Mordred. Couteau entre les mains de Morgause, il a assassiné Arthur. Mais peut-on vraiment l'accuser de ce meurtre ? Son libre-arbitre n'avait-il pas été gravement mis à mal par Morgause, au point d'être aveuglé par la volonté d'une autre ? Après avoir fidèlement servi sa mère de substitution, il meurt de la main d'Arthur, dans les bras de la seule qui aurait sans doute pu le sauver, sa mère légitime, Morgane.

La mort de Mordred m'a toujours profondément touchée, au point d'éclipser dans une certaine mesure celle d'Arthur. Au moment de son dernier soupir, on peut presque apercevoir la solitude de ce jeune homme brisé, qui en voulant se faire aimer a enchaîné les maladresses les plus terribles, sans voir qu'il lui suffisait simplement d'écouter son propre coeur.

Je pense que Mordred est une victime, l'instrument courageux d'une femme étouffée par la haine qui a sacrifié ce malheureux jeune homme, qui l'aimait tant, par couardise et désir de pouvoir. Il n'est pas le seul. Chaque jour des centaines d'hommes et de femmes subissent ce qu'il a subi. Pensez aux guerres, par exemple, quelles qu'elles soient. Sont-elles le fait des soldats ? Peut-on blâmer les malheureux qui s'entretuent sur le champ de bataille sans vraiment savoir si leur combat en vaut la peine ? Ou doit-on plutôt chercher les responsables du côté des abris, là où, sains et saufs, ils planifient des batailles dont ils sont seuls à tirer profit ?

Chaque jour notre libre-arbitre est mis à rude épreuve, par la société, par ceux qui détiennent le pouvoir. Ce n'est pas céder à la théorie de la conspiration que de dire que l'on chercher à nous modeler. La société est ainsi faite : elle a plus de pouvoir si tous la suivent aveuglément, en étant tous formatés sur le même modèle. Comme le disait si justement Edmund Burke, pour triompher, le mal n'a besoin que de l'inaction des gens de bien.

C'est ce que Mordred tente de nous enseigner. Les erreurs aident à avancer, si l'on prend la peine d'en tirer l'enseignement nécessaire. Mais nous pouvons également avancer à partir des erreurs d'autrui. Apprenons donc la leçon des erreurs de Mordred : ne nous laissons pas manipuler ! Seul notre libre-arbitre doit nous guider, seule notre moralité doit nous dicter notre conduite. Ne soyons pas les outils d'un pouvoir qui nous dépasse, mais tentons plutôt d'être nos propres maîtres. C'est difficile, certes, car il ne faut compter que sur nous-même, mais c'est la seule voie vers la vraie liberté.

Merci Mordred, merci pour tout.
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L
Arf, j'ai posté mon commentaire sur le billet précédent avant de lire celui-ci. J'aime beaucoup ce que tu dis de Mordred...
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L
<br /> Merci beaucoup Lucy Dreams ! J'ai énormément apprécié ton commentaire ;)<br /> <br /> <br />
L
Très beau texte et très instructif, merci beaucoup!
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L
<br /> Merci à toi de m'avoir lue ! ;)<br /> <br /> <br />